Le Keyline Design : un motif original dans les plantations des Fruits de la Résilience

Lignes de cultures en “key line design”

Dans le cadre du projet de recherche participative Les Fruits de la Résilience, nous plantons des arbres fruitiers tout en testant différents itinéraires techniques. Nous expérimentons notamment la mise en place des arbres à partir de semis directs et de jeunes plants d’un an environ.

Notre objectif est de comparer la robustesse de ces arbres en fonction de l’itinéraire technique, notamment face au stress hydrique (manque d’eau).


Une opportunité sur terrain vierge : tester le Keyline Design

Sur l’une des exploitations, nous avons profité d’un terrain “vierge” pour expérimenter une méthode désormais associée au concept d’hydrologie régénérative : le Keyline Design, ou en français, conception en ligne-clé.

Cette méthode vise à capter le ruissellement et les sédiments transportés lors des fortes pluies grâce aux lignes de culture.

Photos du terrain “vierge”


Principe de base

Le Keyline Design s’appuie sur les courbes de niveau du terrain. L’idée est de ralentir le ruissellement de l’eau grâce à des lignes de culture, favorisant ainsi son infiltration dans le sol. Contrairement à une simple implantation suivant les courbes de niveau — qui génère des lignes non parallèles — le motif en keyline permet d’obtenir des lignes parallèles, plus adaptées à la mécanisation et à l’optimisation de l’espace cultivable.

Ici une plantation en courbe de niveau en Espagne, on observe la perte d’espace liée à l’irrégularité des lignes de plantation

Cela présente plusieurs avantages :

  • Optimisation de l’espace cultivable (pas de perte entre les lignes),
  • Possibilité de mécanisation facilitée,
  • Contrôle du ruissellement.


Avantage stratégique du motif keyline

Dans un motif Keyline, les lignes de culture étant parallèles, elles ne suivent donc pas exactement les courbes de niveau. Cela signifie qu’elles ne stoppent pas le ruissellement de l’eau. Ce qui pourrait apparaître comme un défaut devient en réalité un atout, si l’on conçoit le motif avec réflexion.

En effet, il est possible de choisir l’orientation des lignes de culture de manière à canaliser le ruissellement vers les zones souhaitées de la parcelle. En général, ce type de motif permet de diriger l’eau vers les zones les plus sèches, en ralentissant son écoulement et en favorisant son infiltration progressive entre les lignes.

Méthodologie sur la parcelle expérimentale

Analyser la topographie et Tracer le motif

Topographie générale de la parcelle. En rouge : les courbes de niveau les plus hautes, en bleu : les plus basses.

Pour concevoir un motif efficace, il faut :

  1. Comprendre la topographie du terrain ; pour cela on peut utiliser les courbes de niveau (extraites de cartes disponibles en ligne).
  2. Identifier la courbe de niveau la plus marquée (celle qui a les courbes les plus prononcées).
  3. Tracer une ligne guide qui traverse cette courbe en fonction de la pente que l’on souhaiterait avoir sur nos lignes de culture.

À chaque croisement entre la ligne guide et la courbe de niveau, on peut identifier le sens de la pente : si la ligne descend d’un point haut vers un point bas, elle guidera naturellement l’eau.

4 . On trace ensuite des lignes parallèles à la ligne guide. Ces lignes formeront le motif de culture. Il est important de vérifier la cohérence de ce motif sur carte avant de passer à l’étape terrain.

Vérification sur le terrain

Sur le terrain :

  • On vérifie les courbes de niveau pour confirmer les données cartographiques.
  • On trace ces courbes à proximité de l’endroit où la ligne guide est supposée passer.

Outils utilisés : lunette de chantier, piquets, corde.

Nous avons ici tracé trois courbes de niveau. Ensuite, nous avons identifié la plus marquée (celle avec les courbes les plus prononcées) et défini la ligne guide à partir de celle ci :

Pour guider l’eau vers le centre du terrain :

  • On commence par placer un piquet au point haut, légèrement au-dessus de la courbe de niveau, à environ 50 cm en amont du dernier piquet.
  • Un second piquet est ensuite placé plus bas, juste en dessous de la courbe de niveau, à l’endroit où celle-ci change de direction. Ce point correspond au point bas de notre ligne guide.
  • On répète ce processus pour tous les points hauts et bas nécessaires à la définition de la ligne guide.
    Dans notre exemple, nous avons choisi deux points hauts et un point bas.
  • Une fois la ligne guide définie, on place des piquets tous les 5 mètres le long de celle-ci afin de garantir un tracé régulier et précis.

Tracer les autres lignes

À partir des piquets de la ligne guide :

  • On utilise une corde marquée en son milieu pour tracer des triangles isocèles.
  • Pour un espacement de 5 m entre les lignes, la corde doit mesurer 11,18 m (calcul géométrique à partir d’un triangle isocèle).

Plus le nombre de piquets est élevé, plus la précision du motif sera grande.


Mise en culture

Le travail du sol est ensuite réalisé de manière classique, en fonction du projet de plantation. Dans notre cas :

  • Travail en bandes,
  • Sous-solage (n’ayant pas pu être réalisé en raison de conditions météorologiques particulières, un travail du sol localisé a été effectué aux points de plantation à l’aide d’une tarière et d’une bêche, sur une profondeur de 40 à 50 cm et un diamètre de 30 à 40 cm),
  • Passage au rotovator.

Ce travail crée de légères planches surélevées, séparées par de petites rigoles capables de capter le ruissellement.


Conclusion

Sur cette parcelle, nous avons expérimenté le motif en Keyline pour accompagner la plantation de jeunes plants. Après quelques orages, nous avons observé une accumulation de sédiments le long des rigoles, signe que le ruissellement a bien été ralenti. Espérons que les jeunes plants en tireront profit !

Cet article fait partie du projet Les Fruits de la Résilience. Si vous ne connaissez pas encore cette initiative novatrice, découvrez son ambition en suivant ce lien : Les Fruits de la Résilience.